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Vie et mort d’une église de rang, où quand le destin frappe deux fois

En visitant la page sur l’Église St-Stephens, vous verrez une vidéo regroupant une trentaine de photos de l’église prises à l’été 2009 par mon ami Stéphane Giraldeau. En le visionnant, vous constaterez la beauté de ce bâtiment, véritable joyau du patrimoine rural et religieux. Pour une histoire plus exhaustive de l’église et du presbytère, allez voir les pages Histoire deRectory Hill partie I et Histoire de Rectory Hill partie II.

La photo que vous voyez ci-haut a été prise à partir de l’entrée de mon terrain situé de l’autre côté de la rue. C’est cette vue de l’église qui se présentait à moi chaque fois que je sortais de ma maison. Aujourd’hui, la vue a bien changée. L’église a été détruite par le feu le 27 mai 2010…

Ce matin-là, j’étais à Montréal et je m’apprêtais à partir pour le travail quand j’ai reçu un coup de fil d’un ami. Il m’a dit : « L’église est en feu! T’as pas besoin de te presser, les pompiers sont là mais il ne reste presque plus rien de toute façon… »

En larmes, j’ai sauté dans ma voiture pour parcourir les deux heures de route qui me séparaient du drame qui était en train de se jouer sur ce rang d’Inverness. Il y avait un CD dans le lecteur de ma voiture et celui-ci s’est mis à jouer dès que le contact fut mis. C’était Fireweed, la première pièce de l’album Wooden Arms de Patrick Watson.

 “Fireweed”
After all the flames
In the morning
Quiet ashes fell
For hours and hours
And in the morning rise
We planted our skin
Like a seed in the ground
So we dug ourselves a hole
And planted all our skin
Like a seed in the ground
To grow again
Where the fireweeds grow
Where the fireweeds grow
Where the fireweeds grow
(Patrick Watson)

Cette chanson joua en boucle durant tout le voyage, alors que dans ma tête, je ne voyais que les images de l’église en flamme. Je m’accrochais à ces paroles (« Like a seed in the ground, to grow again ») car elles me donnaient espoir. Elles me permettaient de voir au-delà du drame, elles me disaient que la fin de quelque chose n’est pas la fin de tout, que tout deuil porte en lui la promesse d’une renaissance. Je me suis juré, dès cet instant, que quelque chose de nouveau naîtrait de la disparition de mon église.

Voici ce que j’ai vu à mon arrivée (même prise de vue que photo du haut):

Église St-Stephen's après l'incendie, 28 mai 2010

J’ai plus tard envoyé un courriel à quelques amis et médias. Il en a résulté 3 articles: un paru dans le journal régional L’Avenir del’Érable, un dans le journal The Gazette par Marian Scott et l’autre dans le Township Heritage Web Magazine par Matthew Farfan.

(Cliquez ici pour voir des photos des ruines incendiées de l’église)

Après cet événement, qui fut vraiment triste pour moi, mais aussi pour l’ensemble de la communauté d’Inverness, et notamment pour les anglicans, j’ai pris la décision que j’allais dorénavant prendre le temps de m’occuper de la maison, l’ancien presbytère, et de son terrain qui en avaient (et en ont encore) bien besoin. J’ai aussi pris la décision de reprendre tous les objets, les archives, les journaux, que j’avais placés ici et là dans les annexes, de les ranger dans des armoires à l’abris des rongeurs, de les inventorier, de les nettoyer, et de les mettre en vente afin de financer une partie des travaux.

Et voilà que récemment, j’ai fait une incroyable découverte. En prenant, au hasard, un journal The Gazette Megantic Edition de l’année 1903, je lis quelques articles. Un titre attire mon attention: Rewards Offered. Je suis aussi attirée par la signature: Rev. H.A. Dickson, Rectory Hill, March 23, 1903.

Et voici l’article:

Article paru dans The Gazette Mégantic Edition du 26 mars 1903

Imaginez ma surprise! Je découvre, 111 ans plus tard, que l’incendie de la première église St-Stephen’s était peut-être, lui aussi, d’origine criminel. Du moins, une rumeur à cet effet circulait à l’époque, et le Révérend Dickson voulait y mettre un terme afin de ne pas nuire à la levée de fond qu’il menait à l’époque afin de reconstruire la nouvelle église. Celle-ci fut érigée un an plus tard, et ouverte aux fidèles le 7 août 1904. Cette même année, le Rev. Dickson fit faire des rénovations sur le presbytère au coût de $ 800. C’est lors de ces rénovations que les annexes ont été construites, dans lesquelles j’ai trouvé tous les objets de la famille Dickson, ainsi que les documents d’archives et les journaux. J’y ai également trouvé les rapports annuels de l’église anglicane du Québec, au moins une cinquantaine d’entre eux, et datant pour les plus vieux du milieu du XIXe siècle. Dans celui de l’année 1904, on peut y lire ceci sur la reconstruction de l’église et les rénovations du presbytère:

Je me sens désormais un peu moins seule avec ce lourd fardeau d’avoir été la propriétaire d’une église qui fut incendiée criminellement. Le Rev. Dickson a lui aussi vécu cette épreuve. Évidemment, l’église ne lui appartenait pas en propre, elle était la propriété du Diocèse Anglican de Québec. Aussi, il a pu compter sur toute une communauté afin de ramasser des fonds pour en reconstruire une autre. Il faut tout de même se rendre à l’évidence que l’église St-Stephen’s qui fut incendiée en 2010 sera la dernière. Nous n’en reconstruirons pas une autre. Je peux, par contre, reconstruire autre chose sur les cendres de cette dernière. La graine que j’ai planté dans les cendres ce 27 mai 2010, c’est celle de la mémoire. Je ferai en sorte que cette boîte à mémoire, que j’ai découvert à Inverness en 1999, le presbytère et son contenu, soit mise à jour, et que l’œuvre du Rév. Dickson soit enfin connue et reconnue.

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